samedi 10 juillet 2010

La Cité des Livres Qui Rêvent

Titre : La Cité des Livres Qui Rêvent
Auteur : Walter Moers
Genre : Fantasy
Appréciation : Coup de cœur

Résumé : « Ici commence l'histoire. Elle raconte comment je suis entré en possession du Livre sanglant, comment j'ai atteint l'Orm. Cette histoire n'est pas destinée aux lecteurs au cuir tendre et aux nerfs fragiles - à qui je recommande d'emblée de reposer cet ouvrage. [...] Oui, je parle d'un pays où la lecture peut rendre fou. Où les livres risquent de blesser, d'empoisonner, et même de tuer. Seul celui qui est prêt à accepter le risque de me lire, à mettre sa vie en jeu pour avoir sa part de mon histoire, doit me suivre jusqu'au prochain paragraphe. [...]. Mais ne perdons pas plus de temps et entamons notre périple. Car il s'agit bien d'un voyage qui nous mènera à Bouquinbourg, la Cité des livres qui rêvent ».
Le récit fantastique, onirique et horrifique d'Hildegunst Taillemythes, jeune dragon et poète qui bravera tous les dangers des catacombes de Bouquinbourg, hantées par le Roi des Ombres, pour retrouver l'auteur du manuscrit parfait.

(Résumé repris du livre)

Extrait :

Un jour, racontait Clairdepluie, les Biblachimistes voulurent fabriquer un géant, une gigantesque créature en papier qui devait protéger Bouquinbourg de tous ses ennemis. On fit bouillir des livres, on mélangea de l'encre d'imprimerie et des herbes, on se livra à des actes rituels, et l'on finit par modeler un personnage haut comme trois maisons, fait d'une bouille de papier, de carcasses d'animaux broyées et de terre du cimetière de Dull. On l'aspergea d'encre pour qu'il soit encore plus effrayant et on le nomma l'Homme noir. Puis dix Biblachimistes mirent fin à leurs jours et offrirent leur sang afin de le lui injecter.
Pour finir, on lui ficha une barre de fer dans la tête, et, un jour d'orage, on lui planta les pieds dans deux baquets remplis d'eau. Un violent éclair traversa la barre de fer et lui donna vie. L'Homme noir poussa un cri terrible et, parcouru de décharges électriques, sortit de l'eau. Les Biblachimistes exultaient et jetaient leur chapeau en l'air, quand l'Homme noir se pencha, se saisait de l'un d'entre eux et l'avala tout cru. Puis il se mit à déambuler à travers la ville, attrapant et engloutissant les habitants éperdus qui se présentaient sur son passage. Arrachant les toits des maisons, il y plongeait la main et prenait tout ce qui bougeait pour le dévorer.
Un Bouquinbourgeois courageux finit par l'enflammer avec une torche. Mais, titubant et hurlant, le géant parcourut la ville et mit le feu au maisons, aux rues, les unes après les autres, jusqu'à ce qu'enfin il s'effondre en ne laissant qu'un tas de cendres grises. Ce fut, dit on, le premier grand incendie de Bouquinbourg.

[...] Il se pouvait qu'un marchand de livres d'occasion distrait ait renversé une lampe à huile et que, durant de siècles, on ait brodé cette histoire à faire dresser les cheveux sur la tête. [...] Cependant, quand on se glissait entre ces ruines d'un noir de jais, ce vieux conte de nourrice paraissait plausible. Si un jour en Zamonie on avait changé l'encre d'imprimerie en sang, ça ne pouvait être qu'au cœur de cette ville folle. [...] Le centre de Bouquinbourg était un monde intermédiaire entre la folie et la réalité, une alchimie liquéfiée en architecture. »

Critique : J'ai trouvé ce livre par hasard à la médiathèque. Ou plutôt retrouvé ; je l'avais offert à une copine il y a longtemps, et quand je l'ai vu parmi les romans jeunesse, je me suis dit que c'était l'occasion de le lire. Je n'ai pas été déçue. C'est un pavé de 450 pages, étonnant et passionant, de la première à la dernière ligne.
D'abord, c'est très bien écrit (et bien traduit, par François Mathieu et Dominique Taffin). J'ai adoré le style de Moers, aussi foisonnant que l'univers du livre, et, miracle, même les (fréquentes et longues) descriptions ne sont pas ennuyeuses. Il écrit avec un certain humour, mais toujours très détaché, un peu pince-sans-rire. Il se présente comme un simple traducteur du zamonien, qui ne fait que traduire l'ouvrage d'Hildegunst Taillemythes).
Autre chose aussi, les superbes illustrations en noir et blanc, très poétiques et humoristiques, par l'auteur lui-même.

Enfin, le monde zamonien m'a fascinée. Les créatures étranges sont plus ou moins inspirées de diverses mythologies (harpies, vampires, dragons, cyclopes) mais paraissent venir de la seule imagination de l'auteur tant elles sont incroyablement détournées. Bouquinbourg est une ville dont la vie tourne exclusivement autour des livres et de la littérature (jusqu'aux pâtisseries servies avec votre café). On y croise le cimetière des poètes oubliés, où des écrivains ratés écrivent sur des bouts de cartons des poèmes en échange de quelques piécettes, des livres vivants, hérissants, dangereux, empoisonnés, griffus, des créatures aux multiples pouvoirs, au destin tragique, aux inventions géniales, aux desseins menaçants. Des librairies qui ne vendent que des livres rares, spécialisées dans la voyance, ou dans les ouvrages inachevés d'auteurs morts avant d'avoir pu les terminer.
Moers créée ainsi un monde immensément riche et complexe, où il est dangereux de se fier aux gens et où règnent méfiance et rivalités entre écrivains. Dangers qui feront l'éducation du héros, encore jeune (77 ans seulement) et peu prudent, sceptique vis-à-vis des goûts et des croyances des écrivains plus âgés. On est plongé dans l'aventure qui mêle allègrement réel et imagination (jusqu'à la folie, en fait). Le héros s'adresse de temps au lecteur, ce qui donne encore plus de vie à l'histoire, à la manière d'un livre dont vous êtes le héros. Et puis, il y a tellement de mots extraordinaires, de termes savants, d'inventions, que Moers a fini par imaginer un univers complet, un autre monde (quoi que la Zamonie soit sur Terre).

Ici commence l'histoire.

2 commentaires:

Rosemonde a dit…

Encore un livre à mettre sur ma liste. Merci, il a l'air génial :)

Kimaali a dit…

You're welcome ! :-)