jeudi 26 janvier 2012

La folle allure


Titre : La folle allure
Auteur : Christian Bobin
Genre : Histoire de vie
Appréciation : J'ai adoré

Résumé : Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos cœurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres, deux chevaux dans le même attelage, chacun tirant de son côté, à folle allure. Ainsi allons-nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste, et la beauté parfois nous brûle, comme une branche basse giflant notre visage, et la beauté parfois nous mord, comme un loup merveilleux sautant à notre gorge.

(quatrième de couverture)

Extrait :

Ma mère est folle, je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d'avoir des mères folles, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs fauves des enfants. Sa folie lui vient d'Italie, son premier pays. En Italie, ce qui est dedans, ils le mettent dehors. Leur linge à sécher et leur cœur à laver, ils mettent tout à la rue sur un fil entre deux fenêtres, et ils font l'inventaire plusieurs fois par jour, devant les voisins, dans un interminable opéra de cris et de rires. En apparence c'est gai - en apparence seulement. Les Italiens sont tristes, ils imitent trop la vie pour l'aimer réellement, ils sentent la mort et le théâtre : c'est mon père qui dit ça quand il veut mettre ma mère en rage. Le pays de mon père, j'ignore comment il s'appelle. Le pays de mon père c'est le silence. Mon père c'est tous les hommes quand ils rentrent le soir à la maison. Des taciturnes. Des sans-mot. Mon père est comme un loup : le feu qui coule dans ses veines remonte aux yeux, et rien pour les lèvres.

Ma mère est comme une chatte, comme un moineau, comme du lierre, comme du sel, comme la neige, comme le pollen des fleurs. L'écuyer est amoureux de ma mère. Le clown est amoureux de ma mère. Le dompteur est amoureux de ma mère. Ils sont tous amoureux de ma mère dans cette tribu et elle laisse faire, c'est la meilleure façon de retenir mon père auprès d'elle que ces incendies déclarés alentour. L'amour fait un cercle comme celui du cirque, tapissé de sciure, doux aux pieds nus, lumineux sous la toile rouge gonflée de vent. Le cercle est simple : plus vous êtes aimée et plus on vous aimera. Le truc c'est au départ, pour être aimée une première fois. Il faut surtout n'y pas penser, ne pas le rechercher, ne pas le vouloir. Être folle, se contenter d'être folle, de rire en pleurant, de pleurer en riant, les hommes finissent par venir, attirés par la clairière de folie, séduits par celle qui n'a même pas souci de plaire. Après c'est joué, vous tournez et dansez dans le cercle d'amour, un mari à vos bras pour ne pas perdre l'équilibre, un mari qui roule des yeux partout en silence.


Critique : C'est difficile d'écrire une critique sur un livre de Christian Bobin. Ses livres sont tellement fluides, beau, on ne peux pas en dire grand chose. Tout ce que je peux dire c'est que Christian Bobin est un dieu. Ses livres me touchent, son écriture est poétique, simple et légère, elle s'envole dans les airs comme une plume qui veut montrer au monde qu'elle existe. Ça se dévore comme un rien. Et c'est beau. La folle allure est l'histoire d'une petite fille qui vit dans un cirque. L'auteur y écrit à la première personne - ce qui est assez rare dans ses livres - l'existence d'une fillette qui contemple le monde de ses yeux d'enfant. Elle grandit aux fil des pages, de deux à vingt-sept ans, vivant sa vie de femme. Une simple rêveuse. C'est touchant et frais comme une pâquerette. Bref, c'est du Christian Bobin. Un auteur à découvrir impérativement, si ce n'est pas déjà fait !

A lire aussi sur ce blog, du même auteur => La femme à venir

1 commentaire:

Cachou a dit…

Voilà un auteur que je ne connais absolument pas! Je vais garder ce nom en tête, ce livre m'intrigue...