dimanche 12 septembre 2010

Dans le train


Titre : Dans le train
Auteur : Christian Oster
Genre : Histoire de vie, littérature adulte
Appréciation : J'ai adoré

Résumé : Un jour, sur un quai, un homme de taille moyenne tenait à la main un sac très lourd. Cet homme, c'était moi, mais ce n'était pas mon sac. C'était celui d'une femme. Je ne la connaissais pas. Je suis monté avec elle dans le train.

(résumé repris du livre)

Extrait :

(première page)
Un jour, sur un quai, un homme de taille moyenne tenait à la main un sac très lourd. Cet homme, c'était moi, mais ce n'était pas mon sac. C'était celui d'une femme. Et ce sac était lourd parce qu'il contenait des livres.
C'est elle qui me l'a dit. Ç'avait été notre premier contact. Elle peinait, sur le quai de la gare, haussant l'épaule du côté où elle portait.

Un peu de la même façon, elle portait des lunettes, avec une sorte de gêne. Comme si ses lunettes l'eussent empêchée de voir, ou qu'elle eût cherché, à travers, à saisir quelque chose d'abstrait, ou d'idéal, qui eût été en rapport avec le monde et qui n'eût pas été le monde. Quelque chose comme le monde, donc, mais en mieux. Elle devait être myope ou idéaliste, cette femme, ou peut-être les deux, je n'ai pas essayé de trancher.

C'est son sac qui m'a d'abord fait mal. Elle ne le posait pas. Alors qu'elle se tenait immobile, sur le quai, face à la voie. Elle ne voulait peut-être pas en salir le fond. Ça ne me semblait pas une raison suffisante pour souffrir.

Mon problème, tout de suite, a été de savoir si je devais lui suggérer de le lui porter, son sac, ou, plus rationnellement, plus économiquement, du point de vue de l'effort - aussi bien du mien que du sien -, de l'amener à consentir à ce qu'elle le posât. La seconde solution manquait à tout le moins de panache, voire de galanterie. La première, comparativement à la seconde, manquait de cette évidente nécessité sans laquelle aborder une femme, pour tout homme, trahit la préméditation.
Or rien n'était prémédité, dans mon attitude, j'avais tout de suite éprouvé le besoin de soulager cette femme.

Je m'étais approché d'elle. Elle avait dû me voir, je pense. Mais je n'avais pas croisé son regard. Je m'étais mis, tout en tournant autour de la question de savoir quelle proposition je devais lui faire, pour la soulager, à tourner autour d'elle, cette femme, effectuant de lents cercles concentriques qui m'en rapprochaient sans m'amener franchement à son contact. Comme elle se tenait à distance de la voie, j'avais assez d'espace pour ça. Et en même temps elle me voyait, maintenant, elle voyait bien que je lui tournais autour. J'ai eu vite peur d'une ambiguïté, dans son esprit, et je me suis permis de l'aborder. Je lui ai proposé de lui prendre son sac, arguant qu'il me semblait lourd. Elle m'a remercié, d'un air inquiet, et m'a dit que si elle le souhaitait elle pouvait le poser à ses pieds, tout simplement. Je n'ai pas eu le temps de lui demander pourquoi, dans ces conditions, puisqu'elle peinait, selon toute apparence, à le tenir à bout de bras, elle ne s'en était pas délivrée. Là, elle a pris les devants et a posé son sac sur le quai, à ses pieds, et pour la première fois j'ai compris que je lui faisait violence.

Parce qu'elle ne voulait pas le lâcher, son sac. Je l'ai bien vu, ça. Elle s'en débarrassait uniquement pour éviter mon aide. En prenant le risque de le salir, par ma faute. Je me suis senti coupable, alors que j'aurais souhaité lui rendre service, et j'ai voulu me racheter. J'ai dit non, ce n'est pas ce que je voulais dire, je ne voulais pas que vous le posiez, vous allez le salir, à moins que ça ne vous soit égal, bien sûr, mais j'avais l'impression que vous ne vouliez pas vous y résoudre par crainte de le salir, le fond, peut-être que j'exagère, remarquez, et que je me trompe, si vous pouviez me rassurer sur ce point, et juste me dire que ça vous est égal, je me sentirais mieux. Ou peut-être au contraire ai-je raison, et alors dites-le-moi aussi, ça ne me rassurera pas, mais je pourrai peut-être faire quelque chose, non ?
Elle m'a regardé, de derrière ses lunettes, non comme si j'eusse été l'idéal qu'elle cherchait, dans le monde, au contraire, elle semblait penser que quelque chose ne collait pas, dans sa vision, ou que ses lunettes ne m'étaient pas adaptées, ou que je faisais tache, sur ses verres, en tout cas elle m'a dit qu'est-ce que vous voulez, exactement ? Il vous intéresse tant que ça, mon sac ?"
Critique : Je suis tombé sur ce livre par hasard, dans les bouquins que mon père avait pris à la bibliothèque. Le style m'a tout de suite séduit, alors j'ai lu sans pouvoir m'arrêter, prise dans l'écriture prenante, dans la vie de cet homme, dans ses situations absurdes et dans sa tête, bouillante de pensées tout aussi absurdes.
Grâce au style, fait de virgules, de mots mis côtes à côtes, de dialogues dit comme ça, sans tirets, sans rien, comme si ce n'était pas important, l'auteur nous donne la vision de deux personnages absurdes, incongrues, et cela donne quelque chose de drôle qui rend absolument bien.
On est entrainé dans les péripéties de ce personnage, on ne peut plus s'arrêter, on est dans le moment, dans ses pensées, dans sa tête. C'est pour ça que j'ai eu extrêmement de mal à m'arrêter dans l'extrait. J'aurais été capable de retranscrire tout le bouquin^^
L'histoire, quand à elle est très simple, une rencontre entre un homme et une femme, rien de plus classique, rien de plus normal, mais c'est génial !

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