samedi 14 mai 2011

L'attrapeur d'images

Titre : L'attrapeur d'images (Périples et réflexions d'un voyageur qui pourrait bien en cacher un autre)
Auteur : Alexandre Kha
Genre : Album/BD/Histoires de vie
Appréciation : Coup de cœur













Extraits :

PARIS OU LA QUÊTE DU BONHEUR

Nemo songe aux films-tracts des anciens révolutionnaires et à la possibilité de témoigner à sa façon d'un Paris en pleine mutation, de ses habitants en quête du bonheur.

Il commence par une famille qui présente son nouveau logement dans un H.L.M. après avoir quitté son habitation insalubre d'Aubervilliers. Les enfants sourient à l'image mais le plan s'attarde sur le regard perplexe et mélancolique de leur sœur aînée.

Suivent les autres portraits… Deux architectes heureux d'imaginer la banlieue idéale.
Un inventeur heureux d'avoir mis au point le stabilisateur pour voitures légères et d'avoir un cerveau qui fonctionne pendant le sommeil. [...]
Le danseur du Garden Club pour qui la danse est un palliatif sexuel.
La couturière d'un théâtre qui vit retirée dans son imaginaire par crainte du monde réel.

Le prêtre communiste qui met fin à son sacerdoce pour entrer dans l'action de la lutte ouvrière.
Le jeune Algérien, victime de violences racistes, qui garde l'espoir de jours meilleurs.
L'étudiant dahoméen qui évoque ses querelles avec les frères colonialistes parce qu'ils refaisaient l'Histoire — et lui préférait brûler en enfer avec sans ancêtres non-convertis plutôt que de se convertir lui-même.
« CHILI
Ailleurs, un petit pays fait aussi sa révolution, coincé entre les montagnes et la mer. Nemo arpente la ville portuaire de Valparaiso et son architecture hétéroclite forgée par les souvenirs des marins.

Ascenseurs et escaliers relient la ville basse à la ville haute, la où souffle un vent aride et pur, à l'image du regard de ses habitants. Et plus on monte, plus ils sont pauvres.

Mais les espoirs d'un monde plus juste s'écroulent.
Des réfugiés chiliens fuient la dictature, laissant derrière eux quelques cris de révolte peints sur des fresques murales dans les rues de Santiago.

Parmi les réfugiés, un enfant muet accomplit un petit geste d'espoir en arrosant tous les jours à la même heure un arbre mort qu'il avait planté avec son père.
Selon une croyance, il reprendra Vie.
« PARIS ET LE SOURIRE SUR LES TOITS
Un peu plus tard, le chat Guillaume-en-Egypte a disparu. Encore une fugue !
Il part à sa recherche dans la ville et découvre à cette occasion des graffitis de chats.
Il retrouve Guillaume-en Egypte perché sur un arbre. Probablement attiré par les chants d'oiseau issus d'un module informatique.
Au retour, il aperçoit d'autres graffitis de chats et s'interroge.
Il part en quête de ces chats mystérieux, dresse une cartographie de leurs présences et cherche à percer le secret de leur sourire.

Le petit écran détourne son attention. L'espace d'un court instant, Nemo imagine un phénomène qui rendraient nuls ou ex-æquo les résultats des élections, des matchs de foot et des jeux télévisés, annihilant tout esprit de compétition, figeant le monde à un juste point d'équilibre et d'équité pour tous.

Mais la réalité reprend le dessus. Réalité tronquée avec ses images aseptisées de guerre presse-bouton dans le Golfe Persique.

Soudain, les chats réapparaissent lors d'une manifestation d'irréductibles pacifiques : la Confédération Humaniste et Anarchiste des Travailleurs.
La guerre eut lieu malgré tout et les chats finirent par disparaître, laissant à peine flotter au-dessus de la ville l'étendard de leur sourire sous la forme d'un croissant lunaire.




Critique : Il est difficile de qualifier ce livre, quand on est confronté à la traditionnelle entrée "Genre". Album, BD, poésie, biographie… C'est un livre étrange, de toute façon.
C'est du beau papier. Un bel objet, la couverture rouge me rappelle celle de la vieille édition du Tout du monde en 80 jours qui prend la poussière dans la bibliothèque de mes (défunts) arrière-grands parents.

C'est l'histoire des voyages de Nemo Lowkat. Nemo Lowkat est un homme-chat, et de ce point de vue, cela ressemble aux contes pour enfants, vous savez, ceux où tous les personnages s'appellent Girafe, Lion, Serpent. Selon les cas, on sent si cela vient d'un cruel manque d'imagination de la part de l'auteur, ou s'il s'agit du souci de nous éloigner des humains, qui sont après tout des créatures stupides, brutales et sanguinaires, et qui n'ont rien a faire dans un conte de fées. Évidemment, dans l'histoire de l'attrapeur d'images, on se figure plutôt la deuxième option.
C'est un livre qui peut se savourer ou se feuilleter. Il est divisé en chapitres, selon les lieux, ou les évènements rencontrés.
C'est raconté à la troisième personne, mais dans un style indéfinissable qui fait qu'on a l'impression d'entendre le héros parler.
Nemo raconte la manière qu'il a de traiter ses images, ce qu'on peut voir sur elles et à travers elles, ce qu'il a vu, et il dénonce aussi l'injustice du monde.
Parfois on ne sait pas si l'histoire est celle de Nemo ou de ses images. On ne sait pas si on parle de lui ou du monde. S'il s'agit de sa vie ou de ses films.
Et les illustrations sont très belles, un peu surréalistes parfois.

C'est un livre vraiment singulier, magnifique, immense. Ça met de bonne humeur, ou ça fait pleurer, ça dépend du jour. En tout cas, ça apporte assurément quelque chose de plus au lecteur, qui reprendra le cours de sa vie avec un sourire en plus.

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