dimanche 16 octobre 2011

Mes illusions donnent sur la cour


Titre : Mes illusions donnent sur la cour
Auteur : Sacha Sperling
Genre : Histoire de vie
Appréciation : Coup de cœur

Résumé : Sur un transat, il mange un esquimau. Le chocolat fond autour de sa bouche, il s'en met partout. On dirait du sang séché. Le ciel est de la même couleur que le soleil. Ce matin, on a braqué le minibar. Augustin voulait qu'on célèbre son départ. L'air a une vague odeur de jasmin. Je suis sûr que c'est le produit d'entretien. Il se lève pour aller commander quelque chose au restaurant, de l'autre côté de la piscine. Je l'observe. De longs palmiers bougent lentement derrière lui.

(quatrième de couverture)

Extrait :

Nous sommes sur ma terrasse, recroquevillés dans des transats car le sol a des allures de banquise. Je ne comprends pas pourquoi nous sommes venus ici. Il fait si froid. Nous ne pourrions être nulle part ailleurs. La ville est figée, rien ne bouge, comme si personne ne vivait à part nous. Depuis une chambre de bonne de l'autre côté de la rue, on entend une chanson des Pink Floyd. Echoes, je crois. Il fait nuit. Une de ces nuits glaciales, limpides, que la lune transperce et rend transparentes. Je suis en caleçon et je porte un tee-shirt blanc trop grand. Lui est torse nu. De la fumée sort de nos bouches en dessinant des formes qui disparaissent dans le froid. Je tremble. Il le voit. Il me frotte les jambes et la musique dure. Il m'embrasse. Il fume et les yeux me brûlent. Je suis aveuglé. Il pose ses mains sur mes paupières au moment où la chanson s'arrête et il me dit, très bas, comme un souffle :
"Surtout ne prétends pas que nous ne faisons rien."

Soudain, dans l'immensité silencieuse de la ville, on entend un cri. Augustin a retiré ses mains et pourtant je garde les yeux fermés. Je n'entends plus rien que les bruits des ses lèvres. Je me souviens qu'
Echoes s'arrête au milieu pour laisser entendre les bruits de l'enfer. Les cris reviennent, plus nombreux, comme des alarmes, comme des couteaux. Je me tourne vers la chambre de bonne. Il n'y a personne. L'immeuble entier semble vide. Augustin me tend sa cigarette qui est presque terminée. Je n'arrive pas à l'attraper. Je la fais tomber sur ma jambe. Je sens la brûlure. Pas tellement au début, et puis en crescendo. Encore un cri. Je serre ma cuisse. Je ne peux pas bouger. Augustin s'est allongé entre mes jambes. Sa tête est posée sur mon torse. La chanson reprend. Doucement. Il baisse mon caleçon. Il ne faut pas prétendre que nous ne faisons rien. Il faut trouver sa place entre le plaisir et la réalité. Je dois avoir allumé une autre cigarette puisque de la fumée sort à nouveau de ma bouche. Peut-être est-ce le froid. Je ne sais plus. Dérapage contrôlé. J'ai du mal à respirer. Les guitares me hurlent de ne pas réagir. Il faut que je me concentre sur la musique. Ses mains se posent sur mes cuisses. Sur mes hanches. Sur mon ventre. Je frisonne, raide et endormi. Je transpire, je brûle. Je ris presque quand je voudrais pleurer. Le batteur joue au rythme de mon cœur. Au rythme de nos respirations. Synchro. Tout est synchro. Sa langue lèche longtemps. Il se lève, je suis encore assis et je lâche ma Marlboro sur le sol. Les Pink Floyd se sont remis à chanter. Ça me soulage. J'aime le silence autant que je le redoute. Je suis en train de sucer Augustin. La chanson agonise. A nouveau nous n'entendons plus rien. Il jouit sur mon épaule. Moi, sur ma jambe. La musique est morte. Nos corps fument littéralement. Nous ne pouvons plus respirer.
Je voudrais réécouter cette chanson. Il faut que je réécoute cette chanson encore, encore, toujours. Ces guitares électriques... j'espère les entendre à nouveau, à chaque fois. Ce solo, ces cris... plus je me laisserai faire, plus je sombrerai, plus l'accord deviendra long."

Critique : Trash. Cruel. Glauque. Cru. Une écriture rapide, sèche, simple. Ce petit livre a tout d'un livre pour ado immoral, où l'on couche, on se drogue, on boit, on fume. Comme je les aime. Et du coup, j'ai adoré Mes illusions donnent sur la cour. Je l'ai dévoré un samedi, faute d'ennui. Et voilà. Rien à dire de plus. J'adore. C'est beau, cette relation cru et adolescente entre deux garçons. C'est immoral. C'est cru, rien de plus cru. C'est génial. C'est un livre génial. Je ne sais pas quoi dire de plus, c'est un livre que les ados doivent lire impérativement.
Le titre et la couverture sont très beaux. C'est cela je crois qui m'a poussée à regarder de plus près ce livre écrit par un homme de 21 ans.

2 commentaires:

Sebastián a dit…

Ce post m'a interpellé : (mode racontage de life -on-), il y a à peine une semaine je suis tombé par hasard (plus ou moins j'étais à la fnac) sur un bouquin dont la couverture m'avait plu (suspense) et c'était mes illusions donnent sur la cour que j'ai fini dimanche dernier (-off-).
Donc, je suis à 100% d'accord avec toi :-)

J'aime aussi ce genre d'histoire d'ados perdus désabusés, mais aussi affreusement libres, qui s'autodétruisent, je les envierais presque, seulement les personnages souffrent pas mal, c'est un peu un remake de Shakespeare, avec des accents trash, tandis qu'au final l'histoire est belle. L'auteur a écrit ce livre à 18ans, et il s'est pas pas mal inspiré d'un auteur américain Bret Easton Ellis.
(http://www.buzz-litteraire.com/index.php?2009/08/31/1489-mes-illusions-donnent-sur-la-cour-sacha-sperling-rentree-litteraire)

Un livre à lire aussi : Sukkwan island de David Vann, excellent, assez sombre aussi. L'histoire d'un ado coincé avec son père en Alaska, jusqu'a ce que survienne un drame, un livre secouant.

bref merci pour le post et Bonne continuation

Rosemonde a dit…

Tout à fait d'accord avec toi concernant ce livre. Merci :)