mardi 5 juillet 2011

La Voie des Ombres


Titre : La Voie des Ombres
Auteur : Brent Weeks
Genre : Fantasy
Appréciation : Génial

Résumé :
La ville de Cénaria se divise en deux mondes diamétralement opposés. Celui des riches, sécurisé, propre, rutilant, et celui des pauvres, bien évidemment le plus intéressant, là où tout, s'il ne se joue pas dans la rue, se joue dans des bordels.
Là, le Sa'kagué règne, composé des Neufs dirigeants des bas-fonds. Ils sont les véritables maîtres de la diplomatie et du pays, face à un roi faible et capricieux. Les chefs des guildes d'enfants voleurs, mendiants ou prostitués tentent d'échapper à son emprise.
C'est dans cet univers qu'évolue Azoth, petit rat de guilde torturé par le Rat, un des chefs de la guilde. Animé par un désir de vengeance grandissant envers ce dernier, Azoth est prêt à tout pour l'anéantir, y compris perdre tout ce qu'il a de plus cher. C'est ce qui le pousse à vouloir devenir l'apprenti de Durzo Blint, le meilleur pisse-culotte de la cité. Et les pisse-culottes, ce sont des assassins, avec en plus un Don magique, qui leur permet d'être dix fois plus efficace que la moyenne des gens. Ils sont tout ce qu'Azoth admire : la force, le courage, et ainsi, l'invincibilité.
Mais tout ne sera pas aussi simple. Une fois engagé dans cette voie, Azoth n'aura qu'un choix possible : suivre les traces de son maître ou mourir.

Extrait (dans le livre, il s'agit d'un passage entrecoupé d'autres passages. J'ai regroupé, donc) :

— Je veux savoir ce que je dois faire, Gwinvere.
Après un long silence, il leva les yeux de ses mains.
— A propos du garçon ?
— Je ne crois pas qu’il ait la carrure nécessaire. Un pisse-culotte doit savoir oublier sa vraie nature. Non, l’abandonner. Pour devenir un tueur parfait, il doit enfiler la personnalité adaptée à chaque contrat. Gwinvere, tu comprends, n’est-ce pas ?
[...]
— Tu penses qu’Azoth en est incapable ?
— Il est trop gentil.
— Même maintenant ? Même après ce qui est arrivé à sa petite camarade ?
— Même maintenant. Pour faire ce métier, un homme ne doit accorder aucune importance à quoi que ce soit. Il doit sacrifier...
La voix de Durzo mourut.
— Tout ce à quoi il tien ? demanda Gwinvere. Comme tu l’as si bien fait ? Ma sœur aurait peut-être quelque chose à dire sur ce point.
— Vonda est morte parce que je ne l’ai pas fait.
Il évita le regard de la courtisane et tourna la tête vers la fenêtre.
Gwinvere observa Durzo. La lampe éclairait son visage dur d’un reflet triste et jaunâtre.
— Tu es tombé amoureux, Durzo. Même les pisse-culottes ne sont pas immunisés contre cela. L’amour est une folie qui s’empare des esprits.
— L’amour mène à l’échec. J’ai tout perdu parce que j’ai échoué.
— Et que feras-tu si Azoth échoue ?
— Je le laisserai mourir. Ou je le tuerai.
— Tu as besoin de lui, dit-elle avec douceur. Tu m’as dit toi-même qu’il t’aiderait à trouver un ka’kari.
On frappa à la porte avant que Durzo ait le temps de répondre.
— Entrez ! dit Mamma K.
Une servante passa la tête par l’entrebâillement. [...]
— Un garçon demande à vous voir, madame. Il s’appelle Azoth.
— Faites-le entrer.
Durzo la regarda.
— Qu’est-ce qu’il fout ici ?
— Je ne sais pas. (Gwinvere était amusée.) Si c’est le genre de garçon dont on peu faire un pisse-culotte, je suppose qu’il n’est pas sans quelque talent.
— Merde ! Je l’ai quitté il n’y a pas trois heures !
— Et ?
— Et je lui avais dit que je le tuerais s’il revenait me voir sans preuve. Tu sais que je ne peux pas me permettre de lancer des menaces en l’air. (Durzo soupira.) Tu as peut-être raison, mais je ne peux plus rien faire maintenant.
— Ce n’est pas toi qu’il est venu voir, Durzo, c’est moi. Alors, fais-nous ton petit numéro d’ombre et disparais.
— Mon petit numéro d’ombre ?
— Disparais, Durzo.

Critique :

Vu qu'on dirait que tout le monde à la « rédaction » est parti en vacances, je me suis mise à cette chronique histoire de vous faire un peu de lecture.

J'adore la fantasy, c'est même ce que je lis principalement, à part des BDs plus réalistes. Mais, en tout cas dans le stock (non négligeable) de la médiathèque d'en bas de chez moi, on trouve peu des très bon livres, j'entends des livres bien écrits en plus d'être prenants — la fantasy ne manque pas de romans captivants.
Mais le premier tome de la trilogie de L'Ange de la Nuit est à la fois époustouflant d'action, de cohérence, de complexité, et à la fois écrit avec un style très agréable. Surtout, peut-être, parce qu'il y a peu de descriptions, et que ça, c'est bien quand on n'a pas envie de lire du Tolkien.
Les dialogues entre Blint et Azoth sont jouissifs (oui, c'est mon côté sadique, j'adorais aussi les dialogues entre Rogue et Harry Potter, les baffes, tout ça, je trouve ça marrant). On sent à chaque fois que le lien qui les unit est très complexe, les dépasse eux-mêmes, et c'est confirmé après.
L'histoire qui au départ paraît assez minimaliste, devient progressivement un enchevêtrement d'aventures, parfois au point de décourager un peu le lecteur (j'ai dû faire une grande pause à un moment dans ma lecture, parce qu'autant d'intrigues mises ensemble, c'est parfois fatiguant).
J'ai bien aimé aussi la vision très crue de la rue, de la misère, du vol et du crime pour survivre. Enfin, c'est horrible, hein, mais c'est dit d'une manière qui rend les choses plus « agréables » à lire à cause d'un côté « vrai » et implacable.

Brent Weeks, en plus, a le mérite de ne jamais tomber dans la monotonie et la banalité avec un thème de base plus que courant : le maître et l'apprenti, la recherche des démons intérieurs et tout ce baratin. Ce genre de choses me laisse parfois un peu sceptique parce que ça confine au mysticisme, mais là, c'est quasiment l'inverse.
Je dis quasiment, parce que le mysticisme, on l'atteint autrement ; l'idée d'ombre et de lumière, yin et yang, bien et mal et compagnie, est omniprésente. On connaît, mais aussi bien ficelé, aussi bien raconté, c'est un plaisir.
C'est aussi une de mes rares lectures de fantasy jusqu'à maintenant que j'ai envie d'avoir chez moi pour pouvoir le relire, pour mieux comprendre. J'ai fait l'erreur de m'arrêter pendant une bonne semaine, et pour reprendre, c'est compliqué. Une lecture trop distraite, c'est la garantie de finir perdu.

A part ce bémol (certains diront que ma génération est corrompue à la littérature facile, insipide et immédiate, mais je m'en fiche), voilà une saga qui commence bien.
Prochain tome : Le Choix des Ombres.

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